La préface correspond chez Claudien à une pratique usuelle, au point que l’absence de préface doit être considérée comme une anomalie. Chez Claudien si l’on excepte 4 Honor., Eutrop. 1, et Gild. pour lesquels l’absence de préface ne s’explique pas, sinon peut-être par la perte de la pièce, la pratique semble liée aux circonstances de création des textes. Ainsi si DRP 3 n’a pas de préface, c’est parce qu’il constitue une unité signifiante et difficilement séparable du livre 2[1], pour Stilic. 1 et 2 qui en sont également dépourvus, il est évident que ces deux livres qui traitent des louanges du régent domi militiaeque[2] ne sont pas destinés au même type de performance que le livre 3 qui traite de la venue à Rome du grand homme et qui relève donc d’une circonstance particulière de performance en présence du régent lui-même[3]. Il est donc très largement possible de lier existence d’une préface, au moins pour les poèmes politiques et performance aulique ou devant un auditoire politiquement connoté comme représentant la cité.
Bien que quelques témoins fassent de ce texte la préface de DRP 3, il est aisé de montrer comme nous le ferons ci-dessous qu’il ne peut être séparé du propos de 6 Honor. et qu’il est donc ici parfaitement à sa place[4].
La préface présente une composition beaucoup plus complexe qu’usuellement chez Claudien, où les pièces se présentent le plus souvent sous la forme d’un énoncé mythique dont le poète fait ensuite l’application à sa propre situation ou à la situation politique qui commande l’écriture du poème : DRP 1 et la nef Argo[5], DRP 2 et Orphée[6], Ruf.1 et la fin du serpent Python[7], etc. On retrouve ici des éléments mythologiques, comme la mise en scène de la déclamation d’une gigantomachie dans le palais des dieux, mais ces éléments entrent en résonance avec d’autres données complexes qui invitent à reconsidérer ce texte à la lumière des deux dernières préfaces écrites par Claudien avant celle-ci Stilic. 3 et Get.
Ces textes marquent clairement une inflexion dans la pratique préfacielle du poète. La première inflexion s’opère en Stilic. 3 (400) avec l’abandon des comparaisons mythologiques au profit d’une construction qui identifie la persona du poète non plus avec un personnage mythologique, mais avec un poète réel, Ennius, dans ses rapports avec Scipion[8]. Evidemment cette analogie peut avoir été inspirée à Claudien par l’identification de Gildon à Hannibal[9], qui invite à voir dans le vainqueur de Gildon le nouveau Scipion, mais cela n’explique sans doute pas tout. Le poète opère une sorte de rapprochement entre la figure qu’il présente dans les préfaces et son statut dans le monde réel, tant dans sa dimension réelle (Stilicon peut être considéré comme son patronus comme Scipion pouvait être considéré comme celui d’Ennius), que dans une dimension clairement idéalisée (le poète voudrait avoir auprès de Stilicon le même rôle y compris politique et idéologique qu’Ennius a pu avoir auprès de Scipion[10]). D’autre part, même s’il eût sans doute été inconvenant d’identifier, comme le fera plus tard Sidoine[11], sa relation avec Stilicon à celle de Virgile et Auguste, car ce serait faire du régent le princeps de fait, on notera cependant, car la chose a son importance pour la lecture de 6 Honor. que Claudien choisit ici le poète républicain « par excellence » et l’« Homère des Romains[12] », comme modèle pour sa propre représentation. L’insertion ici d’un thème « républicain », avec toutes les nuances que nous verrons qu’il faut apporter à ce terme, n’est pas sans lien avec ce que nous allons lire dans 6 Honor.. Or, dans la préface de Get., Claudien revient précisément à la récitation de Stilic. pour souligner que cette performance lui a valu les honneurs d’une statue[13], le consacrant d’ailleurs comme l’Homère des latins[14], statue dont il précise qu’elle a été décidée par le Sénat et que le prince a donné son accord à cet honneur, mais n’en est pas l’origine (Get. Praef. 9 : Adnuit hic princeps titulum poscente senatu[15]). Acceptant d’ouvir dans sa préface un espace ouvertement autobiographique, son absence de Rome dans les années 400-402 qu’il identifie au silence de sa muse[16] (nous n’avons pas de 5 Honor. pour commémorer le consulat de 402), le poète poursuit une forme de recentrage des textes préfaciels non plus sur une persona poétique idéalisée par la mythologie, mais sur la réalité de son travail, et donc de son influence. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre la structure de cette préface.
Dans un premier mouvement, 1-10, Claudien reprend un topos poétique sur lequel nous reviendrons : la poursuite dans les rêves des activités favorites des dormeurs alors qu’ils étaient éveillés, et la réalisation de leur souhaits (ce que les auteurs d’onirocritique appelaient ἔνυπνιον, ou rêve prolongeant la réalité) . Ces considérations psychologiques remplacent clairement l’espace dévolu au mythe dans les anciennes préfaces du poète. Avec le vers 11 me quoque (« moi aussi »), le poète s’applique ce lieu commun, pour décrire un rêve où il récite devant la cour des dieux une gigantomachie qui rencontre un grand succès[17]. Une deuxième application survient alors (21 : Additur ecce fides nec me mea lusit imago) où le poète assiste à la réalisation de son rêve, qui était donc prémonitoire (et devient un ὄνειρος dans la terminologie de la science ancienne des rêves où le mot désigne un rêve qui trouve sa réalisation a posteriori dans le réel), dans l’ordre non plus de la mythologie, mais dans celui du réel : la nouvelle gigantomachie sera faite des triomphes d’Honorius/Stilicon contre les ennemis de l’empire (Gildon, Alaric) et il la récitera devant la cour de ses dieux, le prince et les grands. On ne peut manquer de rapporter cette structure d’une remarque faite sur la place de la mythologie dans Get. Présentant sa matière dans une synkrisis avec le matériau mythologique des Argonautica, le poète conclut qu’il vaut mieux être poète politique que poète mythologique, car les mythes n’égaleront jamais la réalité (Get. 27 : Nil ueris aequale dabunt[18]).
Cette construction fait clairement apparaître une continuité de cette matière avec les réflexions menées depuis Stilic. 3 : la place du poète politique n’est pas dans une forme d’idéalisation mythologique, mais bien dans la contemplation d’un réel qui se suffit à lui-même par sa grandeur et sa valeur comme matériau poétique. Ce recentrage sur la dimension hic et nunc de la poésie me semble essentiel pour comprendre les parti-pris narratifs, poétiques, mais aussi idéologiques du panégyrique qui va suivre.
Deux textes présentent ici des ressemblances nettes avec le développement de Claudien, bien qu’il ne fasse aucun doute que le thème soit devenu totalement topique[19]. Ce sera alors le choix des exemples pour l’illustrer qui constituera une possible identification intertextuelle prenant sens dans la présentation de Claudien. Les dix premiers vers de la préface ont depuis longtemps été rapprochés de deux textes, l’un de Lucrèce (DNR 4, 962 et suiv.) et un fragment attribué à Pétrone (frg. 30 Müller, AL 651). Un tableau nous permettra de visualiser les exemples choisis par les trois poètes et leur organisation :
Lucrèce |
« Pétrone » |
Claudien |
Avocats généraux marins Lucrèce méditant sur la nature |
Soldat orateur avare chasseur marin amants chien malades |
Chasseur juge aurige amant marin avare malade Claudien récitant une gigantomachie |
Si l’on renonce, faute de preuve, à reconstituer l’influence possible sur les trois auteurs d’un modèle commun perdu qui aurait pu aussi inspirer Nonnos (Dion. 42, 325 et suiv.), pour nous en tenir aux textes que nous possédons, la parenté entre Claudien et « Pétrone » est sans doute la plus productive de sens, bien que Lucrèce ait pu fournir l’idée de terminer la liste par le rêve même du poète. « Pétrone » et Claudien ont en commun l’orateur / juge, le chasseur, l’amant, le marin, l’avare et le malade, Claudien éliminant le soldat (déjà chez Lucrèce) et le chien (élément déjà hétérogène dans la liste de Pétrone qui ne comprend que des êtres humains sauf ce chien). Si l’on admet que cette coincidence n’est pas due au hasard mais que Claudien propose bien à son auditoire une variatio sur le poème de Pétrone, dont la transmission dans l’Anthologie latine montre qu’il a pu être largement diffusé et surtout séparé de tout contexte (à supposer qu’il n’ait pas été déjà une pièce isolée), le premier distique de Claudien Omnia, quae sensu uoluuntur uota diurno, / Pectore sopito reddit amica quies[20] doit être senti comme l’équivalent retravaillé des cinq premiers vers de la pièce de « Pétrone » : Somnia, quae mentes ludunt uolitantibus umbris, / Non delubra deum nec ab aethere numina mittunt, / Sed sibi quisque facit. Nam cum prostrata sopore / Vrget membra quies et mens sine pondere ludit, / Quicquid luce fuit, tenebris agit[21]. Apparemment seuls les trois derniers vers (à partir de nam cum prostrata…) trouvent un écho chez Claudien. Si les parallèles lexicaux sopore=sopito, quies=quies, luce=diurno sont peut-être simplement liés au fait que les deux poètes parlent de la même chose, deux éléments invitent à voir dans ce début une retractatio critique du poème de « Pétrone ». Claudien élimine tout d’abord l’ouverture de coloration très lucrétienne du poème de « Pétrone » qui exclut avec force toute action divine dans les rêves et en fait de simples productions de la psychologie du dormeur sibi quisque facit (« chacun en est pour lui-même le créateur »). En refusant de faire de la théorie des rêves une critique de la croyance dans l’action des dieux, le poète se réserve le droit de convoquer pour sa propre expérience l’idée d’un songe prémonitoire qui deviendrait ridicule s’il affirmait que les songes ne sont que des réduplications par notre psyché (désignée ici par pectore qui doit bien être compris comme l’esprit, le siège des facultés cognitives) des événements de la journée. Cette première remarque en appelle évidemment une autre : Claudien élimine l’idée d’un jeu ludunt, ludit qui s’apparente à ce qui pourrait bien être une forme de déceptivité de la psyché qui « se jouerait » du dormeur. Or, précisément, si la psyché se joue du dormeur tout l’édifice de la préface s’écroule,car le but du poète est bien de montrer, à la différence des deux autres auteurs, que le rêve n’est pas qu’un déclaque de la vie éveillée, il en est aussi un double potentiellement idéal et plus accompli : ainsi l’amant jouit gaudet et le pauvre malade reçoit un réconfort largitur. Toutefois, cette idée discrètement présente n’occulte pas un possible caractère déceptif du rêve, puisque le rafraîchissement que reçoit le malade est vain, frustra, que l’avare ne retrouve pas sa cassette, elapsas quaerit et que l’aurige ne doit en aucun cas relâcher son attention s’il veut non seulement vaincre mais éviter l’accident : meta cauetur. Il y a donc bien ici une ambiguité de la réalisation des rêves qui invite à se demander pourquoi certains rêves sont positifs et d’autres non, et donc à se questionner sur le rapport entre le rêve et le réel qui sera le cœur de la seconde partie de la préface. L’homogénéité que le poète établira entre son rêve et sa réalisation apparaît ainsi comme une faveur insigne qu’il a reçue de retrouver dans la réalité l’idéal de son rêve. On comprend alors pourquoi il termine sur l’image du malade (image possible de Rome[22]) qui n’aurait pu recevoir que de vaines consolations, mais qui a été réellement consolée par la victoire des armes romaines.
Comme on le voit cette réflexion n’est pas innocente, car si l’on identifie (ce que Claudien nous invite à faire) le rêve à la production poétique, on pourrait imaginer une poésie qui fût simple embellissement du réel, comme le rafraîchissement qui va délasser un peu le malade durant son sommeil avant de le rendre à sa souffrance. Ce que nous dit ici le poète, c’est que, parce que la poésie a à voir avec l’idéal, il convient de faire preuve de discernement dans son usage et sa réception, et le critère, nous le verrons rapidement, pour juger de la valeur hic et nunc d’un poème est s’il embellit outrageusement et illusoirement le réel, ou en donne une fidèle vision littéraire. Ici se pose, selon nous, en termes implicites, mais aisément identifiables, une première réflexion sur la poésie comme technique d’appréhension et de retranscription du réel. Le savoir-faire poétique, que Claudien va étaler largement dans la virtuosité de sa préface, est donc immédiatement mis en perspective dans le rapport que le poème entretient avec le réel : a-t-il seulement pour fonction de nous fournir des rêves qui nous font évader des maux et des déceptions du réel, ou bien est-il un moyen véridique de montrer la grandeur du réel qui excède les attentes du rêve ? C’est ce que ce premier mouvement et la première application à la Gigantomachie récitée devant les dieux vont éclairer.
L’ordre adopté par Claudien dans sa liste de rêves ne doit sans doute rien au hasard, comme la distribution des vignettes dans une savante variatio : le chasseur occupe un distique entier[23], tandis que le juge n’occupe qu’un demi-hexamètre et l’aurige la fin du distique (soit le demi-hexamètre et le pentamètre)[24], l’amant et le marin se partagent un hexamètre[25] tandis que l’avare occupe le pentamètre[26] ; enfin le malade occupe de nouveau un distique et referme le mouvement de la comparaison[27]. Cette distribution virtuose met en évidence la circularité de ce mouvement de huit qui sera ensuite repris dans l’application sous une forme de nouveau tout à fait virtuose, puisqu’un distique sera consacré à définir les modalités de l’application[28] et quatre à son contenu introduit par uidebar[29]. Sur le plan métrique la thèse (distique 1) présente exactement la même forme métrique DSSS DS que son illustration au distique 3[30], tandis que l’application est marquée, signe de son importance, par la seule apparition dans la préface du schéma où dactyles et spondées s’équilibrent parfaitement DSDS DS[31], soulignant ainsi le « tournant » qui s’opère alors dans le poème. On remarquera enfin qu’en dehors des distiques 1 et 3, aucun distique n’a la même composition métrique, le poète jouant avec le maximum de combinaisons rythmiques possible.
Si l’on résume ces effets savants de composition on peut ainsi construire le début de cette préface :
Cette apparente symétrie cache en réalité une réelle progression : en effet dans la première partie, le poète se contente d’empiler les exemples dans une forme de catalogue, alors que la seconde partie se donne comme un récit construit dont la progression suit chaque distique : la mise en scène du poète[32] uidebar (« il me semblait que j’étais »), ...ante pedes summi Iouis (« aux pieds du très grand Jupiter »), puis celle du public[33] plaudebant numina (« les puissances divines applaudissaient »)...sacra corona (« le cercle du public saint »), celle du sujet en deux couples de distiques[34], le châtiment des Géants uictusque Typhoeus (« Typhée vaincu »), subit (« il est placé sous »), domat (« il dompte »)[35] et le retour triomphal de Jupiter : laetum post bella Iouem susceperat aether (« l’éther joyeux avait accueilli Jupiter après la guerre »)[36], praemia militiae (« les récompenses de sa campagne »). La préface nous invite donc à passer d’une sorte de catalogue assumé de lieux communs à une véritable mise en situation d’un rêve particulier évidemment annonciateur du thème du panégyrique. Car il est aisé de remarquer que le poète exclut de sa Gigantomachie ce qui est précisément contenu dans son titre, la bataille, qu’il occulte totalement de la formule de propositio marquée par mihi carmen erat (« tel était mon chant ») transposition de mihi carmen erit (« tel sera mon chant ») qui se trouve par exemple en tête de l’Aetna[37], repris trois quart de siècle avant Claudien dans la propositio des Euangeliorum libri de Juvencus (Praef. 2, 19[38]). Le sujet annoncé n’est donc pas la bataille contre les Géants mais ses conséquences, asservissement des vaincus et triomphe de Jupiter.
Ainsi, grâce à la réflexion sur le rêve, la mythologie et le réel ne s’opposent plus, sur le mode des ficta face aux facta, mais s’articulent : ce qui, dans le rêve, est mythologie, est histoire dans le réel, et donc mythe poétique et histoire en poème ne sont que deux facettes d’une même réalité. Claudien peut ainsi, ce me semble, donner sens à son usage de la mythologie à la fois devant un auditoire en partie chrétien, et devant des auditeurs qui pourraient prendre son usage comme un moyen pour lui de cacher une réalité bien plus prosaïque que ses hyperboles[39]. Reste à comprendre pourquoi il choisit, pour définir le poème qu’il va produire, l’histoire de la guerre contre les Géants, alors que précisément il ne la raconte pas.
Si l’on admet que le fait que Claudien avait déjà écrit deux gigantomachies (une latine et un grecque) ne joue certainement pas ici, car le contexte est tout autre, il semble évident que la partie guerrière du sujet (les batailles menées contre Alaric par Stilicon) a cependant déjà bien été traitée dans la Guerre contre les Gètes et que donc le poète renvoie plus ou moins explicitement à une continuité entre les deux œuvres qui éclatera ultérieurement dans le panégyrique[40]. Ainsi se définit l’espace propre du panégyrique à travers une identification qui devient alors transparente, au moins en apparence : les Géants sont les « goths » et leur chef Alaric qui a été sévèrement puni de sa révolte, Jupiter est Honorius qui revient dans l’éther, Rome, chargé des dépouilles des Géants, le butin repris à Alaric tel que raconté dans la Guerre contre les Gètes. Mais à cette lecture parfaitement révérencieuse et impériale, on peut éventuellement en substituer une autre à la lecture de la partie consacrée à la réalité qui clôt la préface.
Le retour à la réalité se marque par l’abondance de présentatifs ecce, en répété trois fois, mais le poète ne sort cependant pas directement du mythe, car il commence par s’appliquer à lui-même un allusion au séjour d’Enée aux enfers, par la mention des deux portes des songes (cf. Aen. 6, 893-896[41]). S’opposant ainsi à Enée, donc à la figure du uir ciuilis par excellence, le poète soutient qu’il possède une connaissance vraie et que ce qu’il a vu possède la qualité, la fides, nécessaire à un récit historique. Dans ce distique se mêlent avec une grande subtilité des considérations métapoétiques et politiques essentielles pour comprendre la suite : le poète peut se targuer d’un rêve véritablement prémonitoire, il en reçoit en plus, additur[42], la fides qui vaut à la fois pour le rapport que le rêve entretient avec la réalité (qui inverse le rapport postulé par « Pétrone », puisque Claudien nie le verbe choisi par son prédécesseur nec lusit) et pour le rapport que le poète lui-même va entretenir avec le réel. Ce faisant, il prend auprès du dirigeant (ici représenté par le souvenir d’Enée) une sorte d’avantage de clairvoyance[43], qui rappelle que, sans lui pour la chanter, la gloire de Stilicon et d’Honorius tomberait dans l’oubli. Ainsi doté de cette fides qui fait que ce qu’il chantera sur le mode poétique ne sera en rien moins vrai que la réalité elle-même mais la transcendera par le verbe poétique, le poète peut affirmer à juste titre v. 25 que « le sommeil n’aurait rien pu imaginer de plus grand[44] », confirmant ainsi le passage de Get. cité plus haut où il affirmait la supériorité du réel comme matériau poétique sur la fiction mythologique.
Reste une question qui n’est peut-être pas un détail, comme on le verra dans le corps du panégyrique. Qui est ici figuré en Jupiter ? La réponse évidente semble donnée par Claudien en princeps (« voici le prince »), et l’on identifie immédiatement Jupiter à Honorius, l’orbis apex aequatus Olympo au sénat et la turba uerenda à la foule des grands (vers 26 aula) et des sénateurs invités pour les festivités du consulat. Cette identification est en soi intéressante si on la rapproche des préfaces de 3 Honor. et Mall. où il est les deux fois questions de Jupiter et de ses aigles. En 3 Honor. Honorius est clairement représenté comme l’aiglon à la fin de la partie mythologique de la préface[45] et c’est Théodose qui est l’aigle. En 399, Jupiter est devenu Honorius qui envoie ses aigles pour mesurer la terre, alors que le prince lui n’a pas besoin de le faire[46]. Ici, une nouvelle étape est franchie avec la description d’un Jupiter combattant, qui ne se contente plus de connaître l’étendue de son royaume, mais qui y livre bataille et revient ensuite dans l’Olympe à Rome pour faire applaudir son triomphe. Toutefois, celui qui revient vainqueur, et cela ne pouvait échapper à l’auditoire, c’est avant tout Stilicon qui, si campagne il y a eu, comme le dit Claudien, en a été le commandant et l’artisan sur le terrain. On ne peut donc s’empêcher de voir ici une certaine ambiguïté, que l’on retrouvera dans d’autres passages : le régent tend (un peu trop peut-être, on le verra) à devenir le double du prince, et tout l’enjeu du panégyrique sera précisément de rappeler que même si c’est Stilicon qui combat, c’est, comme cela a toujours été le cas depuis les julio-claudiens, le prince qui triomphe, et que le public de l’Olympe romain (Sénat et cour) n’aurait garde de se tromper sur qui est sur terre l’image de Jupiter. Ainsi le retour de l’image jovienne, juxtaposée à une légère (et sans nul doute voulue) ambiguïté alimentée par la mention des prises de guerre, pose clairement l’enjeu d’un panégyrique dont toute la stratégie sera, sans indisposer le régent, de souligner que le prince n’a précisément plus besoin qu’on le régente pour gouverner more maiorum.
[1]Son incipit place clairement cette continuité par l’usage de l’adverbe interea (DRP 3, 1-2) : Iuppiter interea cinctam Thaumantida nimbis / Ire iubet totoque deos arcessere mundo « Jupiter, pendant ce temps, ordonne à la Thaumantide ceinte de nuées d’aller convoquer par le monde entier les dieux ».
[2]Ainsi en Stilic. 2, 1-5, le poète présente la disposition de sa matière : Hactenus armatae laudes: nunc qualibus orbem / Moribus et quanto frenet metuendus amore, / Quo tandem flexus trabeas auctore rogantes / Induerit fastisque suum concesserit annum, / Mitior incipiat fidibus iam Musa remissis « c’en est assez de la louange des armes ! Maintenant avec quelle moralité il tient les rênes du monde, et avec quel amour, tout redoutable qu’il soit, à l’instigation de qui il s’est laissé fléchir pour revêtir la trabée et accorder aux destins une année à son nom, que ma Muse adoucie commence à le chanter sur une lyre moins martiale ».
[3]Cela est immédiatement visible avec l’ouverture du livre 3 : Quem populi plausu, procerum quem uoce petebas, / Aspice, Roma, uirum : « celui que par les applaudissements du peuple et la voix des grands tu réclamais, contemple-le, ô Rome, ton héros ».
[4]S. Döpp 1980 : vol. XLIII. p. 268 souligne par exemple à juste titre que l’évocation vers 24 de l’orbis apex aequatus Olympo rappelle le Pallanteus apex du vers 644 que F. Felgentreu 1999. p. 146 rapproche du vers 42 attollens apicem regia. Nous verrons que la thématique d’ensemble de cette préface interdit d’y voir celle de DRP 3, voire même de penser que cette préface aurait pu servir à la fois à 6 Honor. et à DRP 3.
[5]Notons que dans cette préface, c’est le lecteur qui doit réaliser l’application, car le poète n’en dit rien, en revanche dans le début du livre 1 (DRP 1, 3-4 : audaci prodere cantu / Mens concussa iubet « mon esprit en proie à l’enthousiasme m’ordonne de faire jaillir en un chant audacieux ») reprend le thème de l’audacia de la préface (DRP 1 Praef. 9 : Ast ubi paulatim praeceps audacia creuit « mais quand peu à peu s’accrut l’audace »).
[6]DRP 2, praef. 49-50 : Thracius haec uates. sed tu Tirynthius alter, / Florentine, mihi « Voilà ce que chantait le poète inspiré de Thrace. Mais toi pour moi, Florentinus, tu es un second Tirynthien ».
[7]Ruf. 1, praef. 15-16 : Nunc alio domini telis Pythone perempto / Conuenit ad nostram sacra caterua lyram « Maintenant que sous les traits de son maîtres un autre Python a péri, la cohorte sacrée se rassemble autour de notre lyre ».
[8]Stilic. 3 praef. 1-4 et 11-12 : Maior Scipiades, Italis qui solus ab oris / In proprium uertit Punica bella caput, / Non sine Pieriis exercuit artibus arma: / Semper erat uatum maxima cura duci… Haerebat doctus lateri castrisque solebat / Omnibus in medias Ennius ire tubas : « le plus grand des descendants de Scipion qui seul des rivages de l’Italie détourna sur sa propre tête la guerre punique ne fit pas sans les arts des Piérides le métier des armes : toujours le chef avait le plus grand soin des poètes… Ennius était près de lui, savant, et partageait ordinairement la vie de tous les camps au milieu des trompettes guerrières ».
[9]Stilic. 3, praef. 21-22 : Noster Scipiades Stilicho, quo concidit alter / Hannibal antiquo saeuior Hannibale « Notre cher Scipiade, Stilicon, sous les coups de qui est tombé un second Hannibal plus sauvage que l’Hannibal d’autrefois ».
[10]Il écrit ainsi Stilic. 3, praef. 5-6 : Gaudet enim uirtus testes sibi iungere Musas; / Carmen amat quisquis carmine digna gerit « la valeur se réjouit de s’adjoindre les Muses pour témoins ; il aime la poésie tout homme qui accomplit des exploits dignes de la poésie », ce qui est une manière de se rendre en quelque sorte indispensable dans la diffusion de l’image stiliconienne. Si personne ne parle du grand homme, ses exploits ne seront pas connus, à l’inverse le poète, par ce qu’il dira de lui, sera un maillon essentiel dans la propagation de la représentation que le régent veut donner de lui-même. Mais il lui faudra être digne de trouver en Claudien son Ennius !
[11]Sid. Carm. 4, 15-19 (préface du panégyrique de Majorien) : Non ego mordaci fodiam modo dente Maronem / Nec ciuem carpam, terra Sabella, tuum. / Res minor ingenio nobis, sed Caesare maior; / Vincant eloquio, dummodo nos domino « je ne déchirerai pas à belles dents Maro et je ne m’en prendrai pas à ton concitoyen, terre de Sabine ; notre génie est inférieur mais notre César plus grand ; qu’ils l’emportent par l’éloquence, nous nous l’emportons par notre maître ».
[12]Sur ce titre voir par exemple Hor. Ep. 2, 1, 50 : Ennius, et sapiens et fortis et alter Homerus. Cela semble découler du songe d’Ennius qui ouvrait les Annales frg 5 (Vahlen) : uisus Homerus adesse poeta.
[13]Get. Praef. 7-8 : Sed prior effigiem tribuit successus aenam, / Oraque patricius nostra dicauit honos : « mais auparavant notre succès nous a valu un effigie en bronze et l’honneur du patriciat a consacré notre éloquence ».
[14]La légende de la statue nous a été transmise (Naples, Museo Nazionale, magazzino epigrafico, inv. 2648, CIL VI, 1710 et Inscriptiones Graecae, XIV 1074), elle portait : [Cl(audi)] Claudiani, v(iri) c(larissimi). / [Cla]udio Claudiano, v(iro) c(larissimo), tri/[bu]no et notario, inter ceteras / [de]centes artes praegloriosissimo / [po]etarum. Licet ad memoriam sem/piternam carmina ab eodem / scripta sufficiant adtamen / testimonii gratia ob iudicii sui / fidem dd(omini) nn(ostri) Arcadius et Honorius, / Eilicissimi (sic) ac doctissimi / Imperatores, Senatu petente / statuam in foro divi Traiani / erigi collocarique iusserunt. / Εἰν ἑνὶ Βιργιλίοιο νόον / καὶ μοῦσαν Ὁμήρου / Κλαυδιανὸν Ῥώμη καὶ / βασιλῆς ἔθεσαν « <Statue> de Claude Claudien clarissime. A Claude Claudien clarissime, tribun et notaire, entre autres arts convenables le plus glorieux des poètes. Bien que pour lui assurer un souvenir éternel ses écrits suffisent, pourtant, en témoignage pour la loyauté de son génie, nos Seigneurs Arcadius et Honorius, empereurs très heureux et très savants, à la demande du Sénat ont ordonné l’érection d’une statue sur le forum de Trajan où elle est placée. Rome et les empereurs ont placé cette statue pour Claudien qui en un seul homme combine le génie de Virgile et la muse d’Homère ».
[15]« Le prince a donné son accord quand le sénat lui demandait une inscription ». Titulum ici peut être entendu au sens propre, le texte qui ornera la statue, mais aussi métonymiquement comme la statue elle-même et surtout l’honneur qu’elle représente.
[16]Get., praef. 1-2 : Post resides annos longo uelut excita somno / Romanis fruitur nostra Thalia choris : « Après des années d’oisiveté, comme réveillée d’un long sommeil, notre Thalie jouit de nouveau des chœurs romains ». Comme le note Claudien 2017. le nom de la Muse importe ici assez peu, car elle désigne l’ensemble des activités poétiques.
[17]On notera que ce vers 11 Me quoque Musarum studium sub nocte silenti (« moi aussi le zèle pour les muses dans le silence de la nuit »), reprend avec une légère variation la même initiale qu’un vers de la préface du premier panégyrique impérial composé par le poète 3 Honor. 15 : Me quoque Pieriis temptatum saepius antris (« moi aussi souvent mis à l’épreuve par l’antre des Piérides »).
[18]« Ils [les poètes mythologiques] ne donneront rien qui égale la réalité ».
[19]Il est aisé comme le font d’ailleurs Claudien 1996. et Claudien 2017. de tracer une histoire littéraire de toutes les images mises en scène dans les rêves décrits ici. A titre d’exemple, on pourra comparer la mise en scène de l’aurige avec Hor. Carm. 1, 1, 3-6 et de prolonger la comparaison avec la suite de l’énumération faite par le poète lyrique.
[20]« Tout ce que nos désirs roulent dans notre esprit le jour quand nous sommes conscients, le repos, notre ami, le rend quand nos facultés sont endormies ».
[21]« Les songes qui se jouent de notre esprit avec leurs ombres qui volent autour de nous, ce ne sont pas les sanctuaires des dieux, ni les puissances divines qui du ciel les envoient, mais chacun en est pour lui-même le créateur. De fait, quand le repose presse nos membres étendus dans le sommeil et quand notre esprit joue sans être alourdi par rien, tout ce qui a existé pendant le jour, il le fait dans les ténèbres.
[22]Rappelons qu’en Gild., Rome est présentée comme une vieille dame au bord de la mort (Gild. 17 et 21-23) : Exitium iam Roma timens…Vox tenuis tardique gradus oculique iacentes / Interius; fugere genae; ieiuna lacertos / Exedit macies « Rome désormais, craignant sa fin, la voix éteinte, le pas traînant, les yeux creusés ; elle n’a plus de joues, la maigreur de la faim a dévoré ses bras ». En Get. 52-53, de même, Claudien évoque, pour la repousser immédiatement, une possible sénescence de Rome : Surge, precor, ueneranda parens, et certa secundis / Fide deis, humilemque metum depone senectae « Debout, je t’en prie, vénérable mère, et confie-toi avec assurance en tes dieux favorables, abandonne la peur de la vieillesse qui t’humilie ».
[23]Vers 3 et 4.
[24]Vers 5a pour le juge, 5b et 6 pour l’aurige.
[25]Vers 7.
[26]Vers 8.
[27]Vers 9 et 10.
[28]Vers 11 et 12.
[29]Vers 13-20.
[30]Vers 1-2 : Ṓmnĭă, quǣ́ sēnsū́ uōluū́ntūr uṓtă dĭū́rno, / Pḗctŏrĕ sṓpītṓ || rḗddĭt ămī́că quĭés et vers 5-6 : Iū́dĭcĭbū́s lītḗs, āurī́gǣ sṓmnĭă cū́rrus / uā́năquĕ nṓctūrnī́s || mḗtă căuḗtŭr ĕquís.
[31]Vers 11-12 : Mḗ quŏquĕ Mū́sārū́m stŭdĭū́m sūb nṓctĕ sĭlḗnti / Ā́rtĭbŭs ā́dsuētī́s || sṓllĭcĭtā́rĕ sŏlét.
[32]Vers 13-14.
[33]Vers 15-16.
[34]Vers 17-20.
[35]Sont ici désignées les montagnes sous lesquelles sont ensevelies les Géants.
[36]Vers 19 : noter que laetum peut se rapporter aussi bien à Iouem qu’à Aether ; la joie du prince et celle de son peuple ne font qu’un.
[37]Aetn. 1-4 : Aetna mihi ruptique cauis fornacibus ignes / Et quae tam fortes uoluant incendia causae, / Quid fremat imperium, quid raucos torqueat aestus, / Carmen erit « L’Etna, et les feux qui se brisent dans ses fourneaux creux, et quelle raisons si fortes font rouler ses incendies, pourquoi il gronde contre ce qui le contraint, qu’est-ce qui lance ce brûlant tourbillon au son rauque, voilà quel sera mon chant ». Notons qu’un poème de l’Anthologie 494b parfois attribué à Claudien comprend également cette formule de propositio.
[38]Nam mihi carmen erit Christi uitalia gesta (« la geste vivifiante du Christ, tel sera mon chant ») : un clin d’œil à ce texte devant un prince chrétien et un auditoire en partie acquis à la nouvelle religion n’est pas à exclure, même si la mention de l’Etna a pu déclencher directement chez le poète l’idée de citer sa propositio
[39]Il est probable que certains à Rome (comme nous aujourd’hui) s’interrogeaient sur l’ampleur de la victoire remportée par Stilicon sur un Alaric qui courait toujours, accompagné qui plus est d’une partie de ses soldats et sur le jeu que jouait le régent avec le chef adverse.
[40]Il est alors intéressant de noter 1-que Claudien évoquera dans 6 Honor. la « bataille » de Vérone qu’il n’a pas évoquée dans Get. car elle n’avait pas encore eu lieu, et 2-qu’il l’évoquera de manière assez évasive, peut-être parce qu’il n’y a rien à en dire, voir infra.
[41]Sunt geminae Somni portae, quarum altera fertur / Cornea, qua ueris facilis datur exitus umbris, / Altera candenti perfecta nitens elephanto, / Sed falsa ad caelum mittunt insomnia manes : « il y a deux portes jumelles du sommeil : l’une est, dit-on, faite de corne et les ombres vraies en sortent facilement, l’autre est parfaite, resplendissante de blanc ivoire, mais faux sont les rêves que les mânes par elle envoient vers le ciel ».
[42]Le choix de ce verbe est intéressant et la traduction par « voici qui en fait foi » masque en partie l’étrangeté de la formulation. Platnauer traduit encore plus loin « my dream has come true ». En traduisant par Jetzt, siehe ! Erwesit sich die Glaubwürdigkeit, Felgentreu ne rend pas vraiment le choix du verbe addo, même si la remarque qu’il fait sur la ponctuation est exacte (F. Felgentreu 1999., 151). Il faut comprendre mot à mot : « voici que la fides est ajoutée et l’image que j’ai reçue ne m’a pas trompé », toute la question étant « à quoi la fides est-elle ajoutée ? ». Dans un premier temps on peut penser évidemment au rêve : ce rêve devient crédible, authentique. Mais fides désigne aussi la qualité de l’historien qui ne déforme pas les faits. L’expression se trouve en Liv. 1, 16, 5 consilio etiam unius hominis addita rei dicitur fides, Lucan. Phars. 1, 522 addita fati / peioris manifesta fides, dans la Laus Pisonis 106 Additur huc et iusta fides, chez Pétrone satir. 89, 20 : dolis addit fidem. Dans tous ces cas, le verbe garde bien le sens d’« accorder en plus », et impose un complément qui est le plus souvent une vérification. En « vérifiant en plus » son rêve dans la réalité, le poète peut se présenter comme celui dont les ficta (non plus « les inventions », mais « les représentations figurées ») se revêtent de fides autrement dit de la qualité de facta.
[43]F. Felgentreu 1999. p. 148 fait très justement remarquer que la finale sub nocte silenti (bien qu’elle se trouve également chez Stace et Silius) peut orienter le lecteur vers une fonction prophétique du poète si on la relie à Verg. Aen. 7, 86-91 et du don de prophétie Faunus sub nocte silenti dont il est dit (89-91) : Multa modis simulacra uidet uolitantia miris / Et uarias audit uoces fruiturque deorum / Colloquio atque imis Acheronta affatur Auernis (« de manière étonnante il voit de nombreux simulacres qui volent autour de lui, il entend des voix variées, il jouit de l’entretien des dieux et il s’adresse à l’Achéron au plus profond de l’ Averne »).
[44] Fingere nil maius potuit sopor.
[45]Vers 13-14 : Nutritur uolucrumque potens et fulminis heres, / Gesturus summo tela trisulca Ioui (« est nourri le maître des oiseaux et l’héritier de la foudre, qui portera le trait aux trois pointes pour Jupiter très grand »).
[46]Vers 11-18 : Iuppiter, ut perhibent, spatium cum discere uellet / Naturae regni nescius ipse sui, / Armigeros utrimque duos aequalibus alis / Misit ab Eois Occiduisque plagis… Princeps non aquilis terras cognoscere curat (« Jupiter, à ce que l’on raconte, comme il voulait apprendre l’étendue de la nature, ignorant de son propre royaume, envoya des deux côtés ses deux écuyers d’un vol égal des régions de l’Orient et de l’Occident… le prince n’a cure de connaître ses terres en se servant d’aigles »).